Dans ce contexte de crise du Covid – 19, le débat sur la gestion des dettes africaines est plus que jamais d’actualité, et ne laisse personne indifférent et encore moins, la classe économique africaine. C’est dans ce cadre que l’économiste financier Gabonais, Cédric Mbeng Mezui a décliné son point de vue sur ce sensible et épineux problème.
Dans son argumentaire, cet expert des systèmes financiers marque sa réticence aux plans d’austérité et des réserves sur les demandes d’annulation de dettes dans la période de crise actuelle. Etant donné que les premiers ‘’poussent à la récession et à un endettement cher et inefficace qui étrangle davantage nos économies’’, tandis que les demandes d’annulation de dettes conduisent à l’aléa moral. Par contre, un moratoire sur certaines dettes est nécessaire pour donner de l’oxygène aux Etats au regard de la brutalité de la crise selon lui. ‘’Nous avons besoin de stratégies endogène et régionale d’industrialisation. Nous avons besoin de politiques volontaristes ! Dans cette démarche, il est utile de rappeler que la densification des systèmes financiers locaux est le pilier principal d’un financement soutenable des économies’’, indique-t-il.
Malheureusement, ‘’la situation actuelle crée de nombreux défis. On pourrait citer la baisse massive du prix des matières premières et la chute des volumes d’exportation vers les pays développés. Un autre défi est celui qui découle du confinement que les gouvernements imposent. Il se traduit par un arrêt brutal d’activité. La baisse des recettes et leur impact sur les estimations des PIB se traduit par une détérioration de plusieurs ratios dont celui du service de la dette en pourcentage des revenus de l’Etat’’, déplore M. Mbeng Mezui.
Dans ce contexte, il préconise de mutualiser une partie des dettes des Etats afin de renforcer la crédibilité budgétaire des Etats. Pour ce faire, il indique qu’une coordination efficace au niveau régional s’avère indispensable. ‘’Nous pouvons tirer des enseignements de l’expérience américaine du 18e siècle avec Alexander Hamilton. Pour illustration, je vais prendre le cas des six Etats regroupés au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et des huit de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA). Chaque bloc a l’avantage d’avoir la même monnaie et une banque centrale commune’’, souligne-t-il.
Avant d’indiquer qu’Il appartient aux gouvernements de gérer les anticipations des agents économiques. En effet, si un gouvernement prend ou annonce une mesure jugée par les investisseurs (locaux et internationaux) comme non cohérente, cela peut limiter l’accès aux crédits et/ou détériorer les conditions de mobilisation des financements. De son avis, les marchés étant essentiellement tournés vers le futur, ils récompensent toujours les bons comportements annoncés pour l’avenir. Ainsi, ils peuvent récompenser l’annonce de plans crédibles d’efficacité budgétaire et de relance économique. En effet, ce qui est essentiel pour tout gouvernement est la notion de « crédibilité » à l’égard de toutes les parties prenantes à la vie d’un État parmi lesquelles les ménages, les entrepreneurs, les créanciers locaux et étrangers, les institutions internationales, etc. C’est cette crédibilité qui assure à tout gouvernement le statut d’actif sans risque.
Faut-il le rappeler, depuis le début de la crise engendrée par la pandémie du Covid-19, un débat vif est engagé sur la gestion des dettes africaines, notamment la dette externe d’environ 368 milliards d’USD. Moratoire, rééchelonnement, annulations, club de Paris, etc. font partie du jargon à connaître pour comprendre les différentes positions. La moitié de cette dette est due à la Chine, environ 100 milliards d’USD pour les eurobonds (parfois «eurobomb »), donc il reste moins de 100 milliards représentant les dettes commerciales, bilatérales et multilatérales.