Selon une récente analyse de la Banque mondiale (BM), le manque de capital humain limite l’Afrique à se contenter de 40 % de son potentiel. Tandis que la réduction de ses besoins en infrastructure devrait stimuler la croissance et augmenter le PIB par habitant d’environ 2,6 % par an.
Pour la BM, il faudra des ressources financières considérables pour résoudre ces deux carences, soutient la BM, qui chiffre les besoins en infrastructure du continent à plus de 93 milliards de dollars par an, au cours de la prochaine décennie. Cela signifie que même avec une gestion optimale des dépenses publiques, les gouvernements devraient générer environ 20 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires pour financer les investissements en infrastructure.
Les efforts de la Banque mondiale pour accroître à 15 milliards de dollars le financement du capital humain en Afrique pour la période 2021-2023 donne clairement une idée de l’ampleur du déficit. Or, au vu du rythme croissant de la dette africaine ainsi que du nombre de pays africains présentant un risque élevé de surendettement, emprunter davantage n’est pas une alternative réaliste et durable pour combler ces besoins importants.
Pour inverser la tendance, la BM préconise une mobilisation, plus accrue des recettes nationales
Car, un accroissement équitable du recouvrement des recettes fiscales dépensées de manière efficiente peut améliorer les conditions de vie des citoyens. Cela, en finançant de meilleurs soins en santé, des écoles, des systèmes d’assainissement et des filets de sécurité sociale pour les plus pauvres.
A titre d‘exemple, grâce à un savant mélange de lois, du renforcement de l’administration fiscale, d’une identification précise des contribuables et d’un suivi rigoureux de l’acquittement des impôts, le Rwanda a augmenté ses recettes de près de 50 % entre 2001 et 2013. Cela a permis au gouvernement de doubler les dépenses de santé de 3,2 à 6,5 % du PIB.
Le système fiscal actuel de l’Afrique n’est pas adapté pour fournir les recettes nécessaires
La mobilisation des recettes intérieures reste en réalité trop faible en Afrique. En 2017, les recettes fiscales du continent ne représentaient, en moyenne, que 17,2% du PIB contre 22,8 % en Amérique latine et dans les Caraïbes et 34,2 % dans les pays de l’OCDE. Cela, du fait que les pays africains appliquent un system fiscal emprunté aux pays développés et mal adapté aux économies africaines où l’informalité est élevée et les importations concernent principalement les produits de base, comme la nourriture et le carburant qui sont difficiles à taxer.
L’informel réduit l’efficacité d’un système fiscal mal adapté
En Afrique, près de 90 % de la main-d’œuvre se trouve dans l’économie informelle contre moins de 15 % pour les pays de l’OCDE. En outre, l’économie informelle représente près de 40 % du PIB de l’Afrique, contre seulement 18 % du PIB dans les pays de l’OCDE.
Autrement dit, l’Afrique a besoin d’un système fiscal adapté pour atteindre son potentiel de mobilisation des recettes intérieures. Un tel système pourrait s’articuler sur deux piliers, à savoir : un pacte social solide, basé sur la confiance entre le gouvernement et le contribuable ainsi qu’une technologie innovante pour intégrer le secteur informel.
Des études récentes suggèrent l’existence de facteurs importants de nature non pécuniaires affectant le consentement à l’impôt, comme la morale fiscale. La confiance dans les gouvernements et les institutions a un impact significatif sur la volonté des citoyens de payer des impôts. Le faible niveau de consentement à l’impôt en Afrique découle du faible degré de confiance dans les gouvernements et les autorités fiscales.
Selon le rapport Afrobaromètre 2016, les autorités fiscales sont les deuxièmes institutions les moins dignes de confiance en Afrique.
Le secteur informel en Afrique couvre 90 % de la population active et près de 40 % du PIB. De ce fait, le régime fiscal traditionnel n’est ni efficace ni équitable dans la collecte des impôts. Cependant, avec l’avancée de l’analyse des données numériques massives « Big Data » et de la technologie financière ainsi que le niveau élevé de pénétration de la téléphonie mobile, les gouvernements africains ont la possibilité de construire leur propre système fiscal efficace, équitable et durable.
Avec 456 millions d’abonnés mobiles en 2018, l’Afrique recevra 167 millions d’abonnés supplémentaires d’ici 2025, ce qui représentera 50 % du taux de pénétration. En s’inspirant de l’exemple de l’Inde, les gouvernements pourraient exploiter les données biométriques et cellulaires pour se constituer une base de données des contribuables potentiels.
Le développement de la banque mobile pourrait faciliter la collecte des impôts, réduire les coûts et la corruption. Plus de 395 millions de comptes mobiles ont été enregistrés en Afrique, soit près de la moitié du total des comptes monétaires mobiles mondiaux en 2019. Au Kenya, le système de transfert d’argent M-Pesa a transformé la politique et l’administration fiscale.