La persistance des conflits armés dans certaines parties de l’Afrique centrale entrave les efforts pour répondre aux défis de la Covid-19. La mise en garde a été lancée, ce 12 juin par le Représentant spécial pour l’Afrique centrale et chef du bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA), François Louncény Fall, devant le Conseil de sécurité.
Devant l’organe exécutif de l’Organisation des Nations unies, François Louncény Fall a regretté que « Un certain nombre de conflits dans la sous-région se poursuivent en dépit de l’appel lancé par le Secrétaire général le 23 mars pour un cessez-le-feu mondial ».
S’adressant aux Quinze, François Louncény Fall a déploré qu’en ces temps difficiles, les groupes terroristes et armés ont continué à déstabiliser la sous-région. Il a condamné fermement les attaques délibérées contre les civils et la destruction de la propriété privée et des infrastructures publiques, y compris les hôpitaux.
Le Représentant spécial s’est cependant félicité de la mobilisation des armées du Cameroun et du Tchad pour lutter contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad. L’opération « Colère de Boma », lancée par l’armée tchadienne entre fin mars et début avril, semble avoir considérablement affaibli Boko Haram, a-t-il ainsi relevé.
Il a plaidé pour un plus grand soutien international pour la mise en œuvre de la Stratégie régionale pour la stabilisation, le redressement et la résilience des zones touchées par Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. François Louncény Fall a par ailleurs déploré que bien qu’affaiblie, l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), continue de tuer, de piller et d’enlever des civils et des enfants. Notant qu’au cours de la période considérée, la République démocratique du Congo a été particulièrement touchée, il a prôné la poursuite de la lutte contre la LRA et de l’appui aux États de la région pour que les acquis ne soient pas remis en cause.
Les bouleversements causés par la Covid-19
« Cette session se tient dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, qui a bouleversé la vie des citoyens ainsi que le fonctionnement des États et des institutions régionales en Afrique centrale », a déclaré le Représentant spécial.
« A ce jour, tous les 11 pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) en sont affectés. A la date du 11 juin, 21.929 cas confirmés en laboratoire et 462 décès ont été enregistrés, selon l’OMS », a-t-il ajouté.
Soulignant que la crise économique est une conséquence majeure de la pandémie, François Louncény Fall a noté que, selon les experts, la croissance en Afrique centrale devrait connaître une contraction de 2,3% à cause de la pandémie. Or, cette situation affecte de manière disproportionnée la sous-région d’Afrique centrale, où de nombreux pays sont producteurs de pétrole.
« Le ralentissement des activités économiques dû à la Covid-19 prive les États des ressources dont ils ont besoin pour répondre à l’impact socio-économique de la pandémie, avec le risque de créer des troubles sociaux », a-t-il mis en garde.
«Puisque les gouvernements sont obligés de choisir entre les dépenses urgentes en matière de santé publique et les 2 autres priorités, ils risquent de ne pas disposer de ressources nécessaires pour le bon fonctionnement des institutions nationales et le financement de réformes cruciales », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, François Louncény Fall s’est félicité de constater que les gouvernements et institutions régionales de l’Afrique centrale ont pu s’adapter au nouveau contexte de crise. Lors de la réunion ministérielle extraordinaire des 3 et 4 juin, ils ont adopté la Stratégie de lutte contre la Covid-19 et ses implications en Afrique centrale qui vise notamment à prévenir la propagation du virus, à appréhender l’impact socioéconomique et sécuritaire de la Covid-19 et à répondre aux problèmes de sécurité transfrontalière créés par la pandémie.
Le Représentant spécial a précisé que l’UNOCA est resté opérationnel en dépit de la pandémie et continue de mobiliser les entités pertinentes des Nations Unies pour soutenir l’organisation sous-régionale pendant cette période cruciale de son évolution.
Défis et tensions
Le Représentant spécial a ensuite passé en revue les situations dans plusieurs pays de la région. Au Cameroun, il a noté avec satisfaction, qu’à la suite de l’attaque de Ngarbuh menée en février par l’armée, trois officiers accusés de meurtre, ont été placés en détention préventive à la prison militaire de Yaoundé. Ce nouveau développement démontre selon lui, l’engagement du gouvernement à traduire en justice les responsables du meurtre de civils dans cette localité.
Par ailleurs, il a noté les nouvelles mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du Grand dialogue national, tenu du 30 septembre au 4 octobre 2019, de même l’avancée significative que constitue que le lancement, le 3 avril, d’un programme présidentiel pour la reconstruction et le développement des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Abordant la situation au Congo, François Louncény Falll a exhorté les autorités à prendre les mesures nécessaires pour instaurer la confiance dans les plateformes de dialogue prévues par la Constitution, notamment le Conseil national du dialogue. Il a invité les autres parties prenantes à participer de bonne foi à ce dernier.
Le Représentant spécial a aussi salué les efforts de Sao Tomé-et-Principe en vue d’une réforme judiciaire consensuelle visant à protéger le pays de l’instabilité institutionnelle, à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et à lutter contre la corruption.
Il a également rapidement souligné l’importance de l’impact du changement climatique sur la paix et la sécurité en Afrique centrale pour prévenir les conflits et maintenir la paix dans la sous-région. De même il a mis en exergue la menace croissante de l’insécurité maritime dans le Golfe de Guinée, où un nombre croissant d’actes de piraterie a été enregistré ces derniers mois.
« L’Afrique centrale continue de faire face à de nombreux défis. La Covid-19 devrait amplifier ces défis dans des proportions que nous ne pouvons pas encore évaluer avec exactitude pour le moment », a-t-il déclaré en conclusion. « Toutefois, les mesures individuelles et collectives prises par les pays et la sous-région pour contenir la pandémie et relever les autres défis auxquels ils sont confrontés sont encourageantes et méritent d’être soutenues par la communauté internationale », a-t-il souligné.