Les Forêts communautaires sont espaces encadrés par un arsenal juridique et réglementaire, qui permettent ainsi de concrétiser la dimension sociale de la politique de gestion durable des forêts adoptée par le gouvernement. Autrement dit, le pays a inscrit les FC comme source de bois légal.
Si au Gabon, la foresterie communautaire a eu le mérite de donner la dimension sociale qui manquait à la politique de gestion durable des forêts, on observe après sept ans de pratique, que la plupart des expériences menées ne sont pas à la hauteur des attentes.
En 2020, Keva Initiative, en partenariat avec le Service d’appui aux initiatives locales de développement (Saild) et le Centre universitaire de recherche et d’actions en foresterie sociale et développement durable (Curfod), avec l’appui financier du programme FAO-UE-Flegt a réalisé une étude, en vue de donner un aperçu des aspects légalité et traçabilité des bois des FC au Gabon.
Cette étude réalisée dans le cadre du projet « Extension du Système de vérification communautaire de la légalité des bois des forêts communautaires au Gabon (SVCL Gabon) », s’est déroulée dans la province de l’Ogooué Ivindo (au sud est du pays),a été révélatrice d’une gouvernance approximative des FC avec de grosses et nombreuses incongruités.
Menée dans 20 FC de cette province en convention définitive, elle a porté sur une vérification de la légalité du bois à travers l’existence légale de l’entité de gestion, le type de convention, le mode d’exploitation, la conformité aux Principes, critères, indicateurs et vérificateurs de la grille de légalité.
Le choix de cette province réside sur le fait que sur les sept provinces qui disposent des FC en convention définitive, elle en détient le plus grand nombre, avec 25 conventions définitives pour une superficie de 117 086,83 ha.
Cette concentration des FC est due au fait que cette province a servi de test de mise en place des FC avec l’appui du projet « Développement d’Alternatives Communautaires à l’Exploitation Forestière Illégale (DACEFI) » et du projet OIBT qui a facilité le processus de création des forêts communautaires.
Les résultats de l’étude montrent un niveau élevé de non-conformité (65%), et une traçabilité du bois peu fiable avec des marquages physiques qui ne se font pas systématiquement.
Plusieurs causes sont à l’origine de cette situation. On évoque entre autres, la complexité de la législation spécifique aux FC, l’action permissive de l’administration, l’appât du gain et la gabegie financière des gestionnaires des FC, le faible suivi contrôle, le manque de soutien technique de l’administration en charge des forêts tel que prévu dans les textes; la mainmise des fermiers et des acheteurs, l’instabilité institutionnelle des structures de gouvernance des FC ; la faiblesse des structures organisationnelles des FC et les conflits internes qui les minent.
Pour rappel, c’est depuis 2001 que le Code forestier accorde aux communautés qui en font la demande, des droits de gestion sur les forêts dans lesquelles elles exercent leurs droits d’usage coutumiers. On parle de « forêts communautaires ».
Elles constituent la principale possibilité pour les communautés de gérer leur forêt. Elles ont été instituées pour « répondre aux besoins des communautés locales en vue de promouvoir un développement harmonieux et durable susceptible de générer des revenus substantiels dans l’optique d’une lutte contre la pauvreté. »
Ainsi, le modèle gabonais de foresterie communautaire répond à la volonté du gouvernement d’impliquer les populations locales à la gestion forestière afin que celle-ci améliore leurs conditions de vie.
Mais force est d’observer que l’atteinte de ces objectifs est jusqu’à présent très mitigé. Les raisons principales de cette situation étant essentiellement liées au faible niveau d’appropriation du processus par les communautés, à la faiblesse de la gouvernance dans la gestion des FC, à la pénurie des moyens financiers, matériels, humains et techniques des gestionnaires, à la confiscation du processus par les élites et les politiques et à la complexité des procédures techniques et administratives, au manque d’encadrement, de suivi et contrôle des activités d’exploitation.
Cette exploitation anarchique du bois dans les FC est d’autant plus préoccupante, qu’elle a amené le gouvernement à suspendre l’attribution des FC en 2017, en l’absence d’une meilleure visibilité sur les conditions d’exploitation.
Malgré toutes ces faiblesses, les FC représentent un foyer potentiel d’exploitation illégale du bois. En effet, une étude du CIFOR en 2011, sur le marché artisanal du bois au Gabon, affirme que la problématique du marché intérieur du bois est préoccupante et montre qu’une grande partie du bois qui circule sur ce marché provient des petits titres.
Le volume mensuel exploité dans une FC varie entre 500 m3 et 40000 m3 soit un volume mensuel moyen de 20250 m3. La loi prévoit également une exonération totale des taxes en matière d’exploitation du bois des FC. Seuls les fermiers sont soumis à une taxe de sciage. En outre, les FC ne sont pas soumises aux études d’impact environnementale et sociale. Les revenus de la vente de ce bois doivent servir à la réalisation des projets sociaux et économiques.