Au cours de cet entretien, plusieurs sujets d’intérêt primordial ont été évoqués. A savoir, les effets de la pandémie de Covid-19 sur les économies de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ; l’augmentation sans précédent du niveau d’inflation dans tous les secteurs ; la politique monétaire de la BEAC ; la recrudescence de l’usage des crypto monnaies et enfin, la course vers l’émergence de la plupart des économies africaines.
S’agissant particulièrement de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les économies de la CEMAC, le Pr. Albert Ondo Ossa note que cinq enseignements peuvent être tirés de cette période trouble.
Le premier, selon lui, procède de la réaction différente de chacun des pays de la CEMAC à la pandémie Covid-19, qui est une illustration de l’hétérogénéité de la zone et du manque de coordination entre les autorités monétaire et budgétaires, d’une part, et entre les différentes autorités budgétaires de l’Union monétaire, d’autre part.
Le deuxième enseignement est le retour en force de la puissance publique face au marché, ce qui a consacré la prééminence des actions des politiques. Ainsi, le « policy maker » agit (mal peut-être mais il agit) et son action comme réponse à la crise l’a emporté sur toute forme de dogme ou de développement théorique, ce qui laisse droit à une grande confusion, surtout chez les économistes.
Dans ce droit fil, il déplore également la confusion des économistes (du monde entier du reste) qui s’explique tout d’abord, par le caractère inédit de la crise par rapport à celles de 1929 et de 2008. Les économistes avaient jusque-là l’habitude de distinguer les crises liées à l’offre de celles liées à la demande.
« Dans le cas d’espèce, on a fait face à un télescopage entre choc d’offre (dû au confinement et à la rupture brutale des chaînes de valeur globalisées) et choc de demande, en raison de la perte de nombreux revenus, de la multiplication des défauts de paiements et des anticipations pessimistes », indique-t-il.
Le troisième enseignement à tirer est la grande fragilité – économique et sociale – des pays en développement et, particulièrement, ceux de la CEMAC affichée durant cette crise. De ce fait, « Elle a montré l’urgence qu’il y a à dynamiser le système économique et financier des pays membres de l’union, par la révision de leur mode de fonctionnement et la mise en œuvre d’un véritable processus d’intégration (par les marchés). Cela, afin d’éviter la désagrégation de l’union monétaire, du fait de la persistance des déséquilibres macroéconomiques (déficits budgétaires, déficits extérieurs, faible croissance et chômage de masse), susceptibles de conduire à une politique monétaire restrictive qui constitue un sérieux handicap pour l’investissement », a fait savoir le Pr. de sciences économiques.
Avant d’ajouter, « C’est ce que nous vivons aujourd’hui, surtout au regard des décisions prises récemment par le Comité de politique monétaire (CPM) de la BEAC ».
Le quatrième enseignement est relatif à l’attitude des banques centrales, qui ont (pratiquement toutes) fait preuve de promptitude face à la pénurie des liquidités. Il met en exergue, le cas de la BEAC, qui a dû se résoudre le 21 mars 2020, lors du Comité de politique monétaire à relever le niveau d’injection des liquidités dans le système bancaire sous régional à hauteur de 500 milliards de francs CFA et à l’utilisation de l’enveloppe de 90 milliards de francs CFA mise à la disposition de la BDEAC.
Dans cette mouvance, « les institutions internationales et les gouvernements n’ont pas été en reste, même si ces derniers ont agi sans grande concertation. Or, la concertation, mieux, la coordination entre l’autorité monétaire (la BEAC) et les autorités budgétaires (les gouvernements), que nous avons évoquées plus haut, aurait dû être sans faille pour amortir les séquelles structurelles durables d’une récession profonde », souligne-t-il.
Le dernier enseignement évoqué par l’agrégé des facultés de sciences économique et de gestion, a trait au fait que la pandémie de Covid-19 a mis à nu l’impuissance des régimes de croissance financiarisée, d’obédience néolibérale, et révélé leur incapacité à résorber les crises sociales, sanitaires et environnementales d’envergure mondiale.
Il en déduit que la seule expertise économique n’est pas en mesure de relever les défis économiques, sociaux et politiques courants. Pour ce faire, « Il faut nécessairement intégrer le fait que la crise due au Covid-19 est à la fois une pandémie redoutable (problème de santé publique) et une crise économique majeure, qui a inévitablement des implications politiques profondes », conclut le Pr. titulaire.