Dans une Tribune libre, *Daniel Ngassiki (photo), économiste congolais donne son opinion sur le débat en cours sur le franc CFA et la zone franc. Selon lui, ‘’les détracteurs du franc CFA paraissent être de bons agitateurs mais pas du tout de bons comptables, encore moins de bons financiers’’. A travers cette sortie, il quatre repères pour fonder une opinion bien précise sur le franc CFA.
Les banques centrales émettrices du franc CFA ont été totalement nationalisées au titre de leur actionnariat
La France ne participe plus du tout à l’actionnariat des banques centrales africaines émettrices des francs de la coopération ou de la communauté financière en Afrique (francs CFA africains). Les actionnaires de ces nouvelles banques centrales sont à 100% les Etats africains membres exclusivement. Au contraire des instituts d’émission coloniaux qui émettaient le “franc des colonies françaises d’Afrique” (franc CFA colonial) dont la France détenait seule le capital à 100%. Les francs CFA actuels sont bien des monnaies africaines par la nationalité des actionnaires des banques centrales émettrices.
Environ 75% des francs CFA sont produits en Afrique
Dans la masse monétaire des pays africains concernés, environ 75% des francs CFA sont produits en Afrique, 25% restants associés à des billets et pièces de monnaie imprimés en France en sous-traitance industrielle sur commande sans droit d’émission. La Mauritanie a quitté la zone franc CFA depuis près d’un demi-siècle, en 1973, et n’imprime pas encore ses billets, comme bien d’autres pays africains hors zone CFA.
Ceux qui dénoncent les dépôts africains de fonds en devises auprès du Trésor français ne voient pas leur contrepartie comptable intégralement servie en francs CFA en Afrique
Les avoirs en devises sont constitués par les transferts de fonds en faveur des pays africains (déduction faite des transferts en sens inverse). C’est comme le fait Western Union : la banque centrale reçoit des devises à son compte à Paris mais les paye intégralement en francs CFA en Afrique, sans aucune retenue au Trésor français.
En fait, pour toutes les banques centrales au monde, les réserves officielles de change sont quasiment à 100% domiciliées à l’étranger. C’est dans ces 100% de fonds domiciliés à l’étranger qu’il convient d’apprécier la partie domiciliée au Trésor français : 100%, 50% ou 0%, il ne s’agira jamais que d’une partie des fonds domiciliés d’office à l’étranger.
Le plus important est donc de souligner que les fonds en devises déposés au Trésor français sont intégralement servis et injectés en francs CFA dans les économies africaines. Ainsi, malgré les clichés qui animent les leaders d’opinion sur cette question, les dépôts en devises auprès du Trésor français ne causent absolument aucun préjudice pour le financement du développement des économies africaines.
Les détracteurs du franc CFA ne sont pas de bons financiers dès lors qu’ils méprisent démagogiquement les privilèges effectifs associés au compte d’opérations auprès du Trésor français
Une banque centrale ne peut pas placer ses fonds auprès d’un correspondant étranger qui peut faire faillite ou avoir du mal à payer au jour le jour des transferts de très gros montants. Dans ce cadre, on peut mettre au défi quiconque de trouver dans le monde entier un compte de dépôts à vue en devises plus favorable que celui nommé “compte d’opérations auprès du Trésor français”.
Il s’agit d’un compte-chèques dont les dépôts en devises sont disponibles à vue et sont rémunérés au jour le jour. Leur montant est garanti au jour le jour en Droits de tirage spéciaux (DTS, FMI), pour leur protection contre toute dépréciation de l’euro.
Il s’agit bien là de privilèges financiers précieux, quand on sait que les dépôts auprès de la BCE, comme alternative, sont frappés d’un taux d’intérêt négatif de -0,40% l’an. Or, le taux d’intérêt servi sur les fonds déposés en compte d’opérations est largement supérieur à celui des emprunts de l’Etat français à échéance de cinq ans.
A cela s’ajoute le droit à un découvert à vue illimité en devises sur les réserves de change de la France. Comme une arme nucléaire, ce découvert illimité acquis par convention n’a pas besoin d’être tiré pour produire tous ses effets contre toute veillée d’attaque spéculative contre le franc CFA.
En conclusion, indique-t-il les clichés ne sont pas la vérité malgré leur grande publicité. Les boucs-émissaires ne sont pas toujours les vrais coupables. La coopération monétaire entre l’Afrique et la France, en ordre alphabétique, dure parce qu’elle est de type gagnant-gagnant.
*Daniel Ngassiki, économiste congolais, ancien secrétaire général 2010-2016 de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, expert top niveau du franc CFA.