La politique monétaire de la BEAC continue de soutenir la mise en œuvre des plans d’ajustement des pays de la CEMAC appuyés par le FMI et la hausse du niveau des avoirs extérieurs nets se poursuit.
Le resserrement de la politique monétaire s’est poursuivi en 2018, avec une augmentation, le 31 octobre, par le Comité de politique monétaire de 55 points de base du Taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO), qui est ainsi passé de 2,95% à 3,50%.
Concomitamment, le taux de la facilité marginale de prêt a été augmenté de 4,70% à 5,25%, alors que le taux de la facilité marginale de dépôt restait inchangé à 0%. Le 18 décembre 2018, une nouvelle hausse de la facilité marginale de prêt de 75 points de base est intervenue, ce taux s’élevant après cette date à 6%.
Les lettres semestrielles de la BEAC au FMI, en soutien aux programmes accordés aux États de la CEMAC, rappellent systématiquement l’objectif de la politique monétaire de soutenir la stabilité externe de la monnaie par une politique monétaire suffisamment restrictive.
La motivation première de cette orientation restrictive de la politique monétaire est bien sûr de soutenir la reconstitution des avoirs extérieurs, mais elle pourrait également se révéler utile pour réduire le risque de remontée de l’inflation.
Celle-ci s’est en effet significativement accrue dans certains pays, et notamment au Gabon et au Tchad, dépassant la norme communautaire des 3%. Comme indiqué, la BEAC s’attend à un maintien de l’inflation à des niveaux compris entre 2% et 3% au cours des prochaines années. Avec la hausse des avoirs extérieurs nets, la liquidité bancaire continue de croître.
Pour mémoire, cette augmentation de la liquidité bancaire fait suite à une réduction importante au cours des années 2015- 2016. Deux causes avaient expliqué ce phénomène : la baisse des avoirs extérieurs nets due à la chute des cours du pétrole, principal revenu d’exportations en CEMAC et une réduction des injections de liquidité par la BEAC avec l’abandon des plafonds de refinancement par pays 10.
Si les injections de liquidité continuent à diminuer (l’encours moyen des avances de la BEAC s’est élevé à 348 milliards en juin 2019, contre 676 milliards en avril 2017), il en va différemment pour les avoirs extérieurs nets. Leur augmentation est actuellement la première explication de la hausse des facteurs autonomes de liquidité bancaire (FALB – cf. tableau infra) et donc de la liquidité bancaire (correspondant aux Falb augmentés des injections de liquidité et diminués des encours de réserves obligatoires et d’éventuels autres instruments d’absorption).
L’augmentation des avoirs extérieurs nets de la BEAC est un élément positif car elle permet de soutenir la stabilité externe de la monnaie, mais une telle remontée entraîne également une hausse mécanique de la liquidité bancaire qui doit être gérée par la Banque centrale.
Une liquidité excédentaire, outre ses effets sur la stabilité monétaire et la profitabilité du secteur bancaire, peut en effet poser des problèmes pour la mise en œuvre de la politique monétaire, car elle freine le développement du marché interbancaire et donc la capacité de la Banque centrale à transmettre son signal de politique monétaire. Plus encore, elle peut inciter les banques commerciales à des prises de risque mal contrôlées dans leur politique d’octroi de crédit.
À juin 2019, la liquidité excédentaire peut être estimée à 1 400 milliards. Ce montant résulte simplement de la différence entre, d’une part, les encours des Falb et des injections de liquidité par la BEAC, et d’autre part, les encours des réserves obligatoires (environ 650 milliards) et des réserves de précaution des banques (estimées à 500 milliards par la BEAC, compte tenu des imperfections du marché interbancaire).
Afin de réduire la liquidité excédentaire, une Banque centrale dispose de deux moyens : soit elle diminue ses injections de liquidité, soit elle absorbe cette liquidité bancaire. Au cours de l’année 2018, la BEAC a eu recours uniquement au premier moyen.
Entre février 2018 et juin 2019, l’encours total des avances de la BEAC (comprenant notamment les opérations principales de refinancement et la facilité marginale de prêt) a ainsi baissé de 446 milliards à 348 milliards, soit d’environ 22%. Compte tenu du faible niveau de marge de manœuvre dont dispose encore la BEAC sur la gestion de ses injections de liquidité, la Banque centrale devrait donc envisager des actions complémentaires pour réduire encore cet excédent de liquidité, avec un objectif à terme de mettre « les banques en banque.
Le FMI considère ainsi que des mesures efficaces d’absorption de la liquidité bancaire doivent être mises en place. Un moyen facile et utile de procéder demeure bien sûr la hausse des réserves obligatoires (leurs coefficients sont actuellement fixés respectivement à 7,00% et 4,50% sur les exigibilités à vue et à terme).
Néanmoins, étant donné la faible rémunération de ces réserves obligatoires (5 points de base en CEMAC), une telle stratégie d’absorption demeure coûteuse pour les banques commerciales, avec le risque que ce coût soit répercuté sur leurs clients. Évoquées par le FMI, d’autres stratégies d’absorption sont également possibles : il s’agit principalement d’émissions de titres à court terme (bills) par la Banque centrale ou du recours à des reverse actions.
Il convient ici de noter que la mise en place d’un compte unique pour chacun des Trésor publics nationaux (opération achevée au Gabon, en cours au Cameroun), en plus de participer à l’amélioration de la gestion de la trésorerie publique, devrait mécaniquement permettre d’absorber une partie de cette liquidité excédentaire. En transférant leurs dépôts auprès de banques commerciales vers la BEAC, les États accroissent leurs avoirs auprès de la Banque centrale, ce qui diminue mécaniquement les créances nettes de la BEAC sur les États et donc les Falb.